05:02 – petit matin.
Je me réveille après une courte nuit de sommeil hachée sèchement par un cauchemar. Je viens de voir mon petit frère – cadet – allongé au sol sans vie. Succombant à des blessures dont je n’ai aucun souvenir des causes. Un bref instant, à la vue de cette horreur, je suis sous un grand choc, mais je me dis que c’est le cycle de la vie. J’en ai tellement perdu en l’espace de si peu d’années…je reviens vers mes pas et rentre à la maison (une que je ne saurais situer, tout est si nébuleux). Une fois à l’intérieur, un vide tranchant me frappe le cœur ! Son absence résonne tel un silence portant la violence métaphysique d’un coup de fouet contre mon corps nu. Tout à coup, j’ai du mal à respirer, je suffoque, une douleur lourde conquiert mon corps et souille mon âme tout entière. Mes yeux s’inondent de larmes, leurs flots baignent mon visage. Aurèle !
Je me réveille, prenant petit à petit conscience de là où je me trouve. L’obscurité de ma chambre salue mon réveil, de la fenêtre parée d’un voilage blanc, la lumière des lampadaires s’infiltre, rendant ce retour à ma conscience active moins funèbre. Mon cœur lui bat si fort contre ma poitrine. Par réflexe, j’essaye de reprendre le contrôle sur ma respiration. En l’espace de plusieurs dizaines de secondes, je crois enfin y arriver quand cette fois, loin des songes, je fonds en larmes. Je recherche mon téléphone. Je l’avais branché la veille bien loin de moi, comme tous les soirs, en mode avion.
Je le prends dans mes mains. Je pense que j’ai besoin de parler. J’ôte le mode avion. Une notification : C…, mon amie de Lagos m’a écrit. Je ne lis pas son message. Je pense à mon amie P… de Cologne – je n’ai pas répondu à ses derniers messages depuis deux semaines – mais je juge que ce n’est pas la personne vers qui je devrais me tourner. Elle m’a l’air plus fragile qu’elle ne le montre. Alors je pense à mon amie J…. J’éprouve un sentiment mitigé pour diverses raisons que je repousse à l’instant car je n’ai pas la force mentale de les « développer ». Mais elle pourrait être la bonne personne, il y a vingt-cinq pour cent de chance qu’elle le soit. Le pourcentage étant faible, je l’écarte.
Je pense à ma mère, mon esprit l’avait écartée d’office car je connais ses habitudes précédant son sommeil : elle met son téléphone en mode avion ou l’éteint sans faute. Elle a peur des ondes et redoute leurs effets néfastes sur la santé. On en a souvent parlé. Du coup je pense à ma sœur C…, je lance l’appel mais je l’arrête après deux séquences de sonnerie. J’essaye mon frère G… la musique d’accueil qui est une chanson de l’artiste Henry Dikongue (qui d’habitude me plait), m’agace – je coupe l’appel et fond en larmes seule sur mon lit. Mes yeux mouillés braqués sur le plafond, reçoivent l’apparence cynique de la solitude. Elle est froide, d’une blancheur camouflée par les ombres noires de la couleur de la nuit. Sur elle, deux tâches angulaires d’un fauve pâle laissent leurs marques, reflets de la lumière du lampadaire de la rue contre le voile translucide qui me sert de rideau. Alors je me mets à écrire, à décrire cet épisode temporel irréellement réel. Je suis presque à sa dernière ligne, lorsque je me rends compte que j’ai retrouvé une respiration normale. Mon réveil sonne, il est six heures.